02 Dec 2025

Mot du président - 5 décembre 2025

J’étais sur le point de vous transmettre l’infolettre que j’avais écrite en début de semaine lorsque des événements soudains sont venus modifier de façon importante le contenu de cette communication.

La semaine passée, de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux ont suivi le communiqué du gouvernement et de la FMOQ après la réunion entre le Dr Marc André Amyot et le premier ministre François Legault.

Certains médecins de famille déclaraient que la FMOQ abandonnait ses conditions initiales pour la reprise des négociations, mais il n’en était rien. L’invitation à discuter de la situation a été une initiative du premier ministre et non pas de la FMOQ. On a beau ne pas avoir d’affinités avec celui-ci et son gouvernement, il reste que cette rencontre ne pouvait être refusée.

Cette proposition de discussion représentait la première ouverture du gouvernement depuis le printemps dernier. Contrairement à ce que le ministère affirmait jusqu’ici, il était clair pour notre fédération que le cadre des négociations se ferait hors de celui de la loi. Ces discussions qui, si elles avaient été dans le sens souhaité par les médecins de famille, auraient entraîné des modifications fondamentales à la loi. C’étaient un risque, mais un beau risque qui aurait été mal venu de ne pas tenter.

Malheureusement, il semble que cette ouverture n’était qu’un leurre, une opération de relation publique envers la population. Rapidement, le comité de négociation l’a réalisé et l’éclaircie a été de courte durée. Le ministère reste fixé sur son objectif d’appliquer la loi 2 et ne démontre aucune souplesse pouvant nous faire espérer un dénouement favorable pour la population et les médecins de famille. Les négociations sont donc rompues depuis aujourd’hui le 4 décembre et la loi 2 s’appliquera dans son intégralité le 1er janvier 2026.

C’est pourquoi, il est crucial de continuer à démontrer les incongruités de la loi qui, lorsqu’elle sera appliquée, diminuera l’accessibilité et la qualité des soins de première ligne à la population. C’est également pourquoi il faut poursuivre les initiatives auprès de la classe politique, de Santé Québec ainsi que des responsables des CISSS qui, ultimement, tentent de mettre en place cette loi qui crée le chaos dans les organisations de santé. Nous devons aussi poursuivre notre sensibilisation auprès de la population et des journalistes en illustrant comment, au-delà de notre rémunération, nous sommes préoccupés par l’impact sur les soins aux patients. Nos efforts fonctionnent: le gouvernement est isolé dans sa position et son obstination à croire qu’il détient la vérité sans compromis. On se demande encore qui a conçu cette loi si détachée de la réalité clinique et surtout de la multiplicité des services dans des contextes si divers que dispensent les médecins de famille. Les problèmes du système de santé sont complexes et leurs solutions nécessitent un partenariat, une coopération de tous. L’imposition paternaliste d’une loi non négociée entrainera inévitablement une démotivation de la part des intervenants de première ligne.  

Clairement, le gouvernement ne croit pas aux conséquences évoquées sur les soins. Il ne croit pas non plus à l’exode des médecins, aux départs à la retraite prématurés, ni au nombre effarent de patients qui se retrouveront orphelins de leurs médecins et devront être vus sous un mode populationnel les privant du caractère thérapeutique non négligeable de la relation particulière patient-médecin. Le ministre se ferme les yeux devant les difficultés financières et les fermetures de cliniques tout en ne démontrant aucune empathie pour la détresse des médecins qu’il dévalorise. Le mur est visible et le gouvernement va à sa rencontre sans dévier de sa course ni ralentir. Le choc initial sera suivi d’un désagrègement progressif sur les prochains mois avec accentuation à compter du 1er avril 2026.

Nos objectifs restent les mêmes: ceux que nous avions historiquement dans le cahier de charges. Ceux-là mêmes que nous avions présentés au moment des négociations qui convergeaient avec le nouveau modèle de première ligne proposé par le groupe d’experts mandatés par le gouvernement même. Il s’agit de valoriser la médecine de famille, cessant le « docteur Bashing », en permettant de donner des soins de qualité à la population tout en augmentant l’accessibilité des soins. Toutefois, ce ne doit pas être de notre seule responsabilité, mais bien de celle de tous les acteurs de première ligne.

Des dommages irréparables pour Laval  

Le 27 novembre dernier, une réunion a eu lieu entre votre association et les cliniques de Laval afin d’évaluer les dommages causés par l’adoption de la loi 2. Ce qui ressort de cette réunion, c’est que 20 médecins sont en démarche ou ont déjà terminé leur démarche pour un déménagement dans une autre province en plus des 15 médecins qui prévoient accélérer leur retraite en raison des conditions émises dans la loi. Ceci pourrait causer la perte de 45 000 inscriptions auprès d’un médecin de famille sur notre territoire. De plus, la loi 2 menace directement la survie de 3 cliniques sur le territoire lavallois.  

Dévalorisation, désarroi  

Nul doute que nous voyons, depuis l’adoption de la loi, une augmentation de la détresse psychologique, particulièrement auprès des jeunes médecins. Ceux-ci sont désormais habités par un sentiment d’impuissance face à la multiplicité de ces lois liberticides. Des projets de vie sont remis en question et un profond questionnement s’installe sur notre valeur comme spécialiste de la première ligne. À ceci, je répondrais que cette loi n’a tellement aucun sens et cause tant de dommage à la première ligne qu’elle ne peut rester intacte et que plus tôt que tard elle devra être modifiée en profondeur.  

Ne doutez jamais de votre valeur et de votre importance. Vos patients vous le témoignent. N’hésitez pas à consulter, à prendre du recul, à vous débrancher des réseaux sociaux, à vous centrer sur les choses essentielles de votre vie. Des activités de bien-être sont proposées par le comité du même nom du CISSS, la dernière en date est une invitation pour une retraite au monastère des augustines à Québec, le formulaire et la description sont attachés à cet envoi. Finalement je saisis l’occasion pour vous souhaiter un joyeux temps des fêtes auprès des personnes importantes pour vous. Profitez de notre hiver hâtif pour vous ressourcer en plein air ou, pour ceux qui n’aiment pas cette saison, contempler le manteau blanc et installez-vous au chaud.  

Je vous réécrirai d’ici le Nouvel An si des dénouements importants le justifient.

Jean Rivest, MD

Président de l’Association des médecins omnipraticiens de Laval